Interview de Dominique Bertail

Par l'équipe Dargaud

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Amateur de thriller, d'espionnage, d'anticipation, préparez-vous à être comblé ! Ghost Money, la nouvelle série signée Thierry Smolderen et Dominique Bertail, vous plongera au coeur d'intrigues palpitantes, avec pour toile de fond la guerre contre le terrorisme... Le dessinateur de cette série très prometteuse nous en dit plus :


Comment est née l’idée de cet album ?



 Elle est née de nos préoccupations communes (NDLR : Thierry Smolderen et Dominique Bertail) pour ce monde post 2001. Ca fait longtemps que Smoldo suit de près les pérégrinations du gang des Neo-cons’. De mon côté, je planche depuis un moment sur l’évolution de l’esthétique militaire et de ce qu’elle reflète d’une époque, et en l’occurrence, de la nôtre. Du coup, dans mes carnets, les dessins de drones, de combattants de l’ UCK albanaise et de MI-35 israéliens venait côtoyer les dessins de mode, de hussards et de grands espaces. Attentif à ça, Smoldo nous a façonné un espace commun et m’a servi sur un plateau le synopsis de Ghost Money. Ça a été vraiment bon de retrouver Smolderen sur un projet de BD, on avait déjà bien appris à se connaître (et essuyé quelques plâtres) en faisant l’ Enfer des Pelgram, puis en travaillant sur Coconino-World. Ca n’a pas été évident pour moi de me lancer dans une série contemporaine, J’ai toujours été très mal à l’aise quant à la représentation d’aujourd’hui, de la position à prendre vis-à-vis du «banal».


Quelles ont été vos sources d’inspiration pour le dessin ?



 Ca vient un peu de partout… Je me nourris surtout de presse spécialisée... J’adore les bureaux de presse, c’est un paradis ! Il y a tout l’inconscient collectif bien rangé ! J’achète régulièrement Citizen K, Monsieur magazine, Raids, l’Officiel, Science et Vie Junior, National Géographic ,des revues japonaises de concept cars… mais en général, je préfère regarder vite fait sur place… ça rentre tout seul et ça fait une petite salade sans se donner trop de mal.

 Mes plus grandes influences pour ce projet… Le cinéma de Michael Mann, les peintures de David Hockney, les sculptures de James Turrell et les BD d’Hergé, d’Otomo et de Franquin.

 Avec Ghost money, j’aimerais prendre un peu de distance avec l’espace classique photo réaliste et le rendre plus pictural. En même temps, j’essaie de faire oublier que c’est du dessin tout en l’assumant. De ce point de vue là, je suis en train de redécouvrir le dessin de Vance sur XIII (grâce à l’ édition N&B de Niffle). La grande Classe !!!

 C’est très gratifiant de travailler avec Thierry, parce qu’il connaît presque mieux mon dessin que moi. Chaque chose qu’il me donne à dessiner m’oblige à découvrir des nouvelles dimensions du dessin. Il a la double casquette feuilletoniste /théoricien.


Les planches de la manifestation anti-néoconservateurs sont époustouflantes, elles ont l’air d’avoir été filmées. Utilisez-vous des techniques particulières pour travailler certains effets ?



 En fait, ça a été une séquence particulièrement difficile à mettre en scène. Je suis allé à Londres pour repérer un peu le quartier de la LSE et voir par où pouvait passer cette manif’. J’avais un story board très précis avant d’aller prendre des photos, mais j’ai dû pas mal adapter en fonction de l’espace. J’aime bien aller sur les lieux de l’action (quand c’est possible) et imaginer nos personnages s’y déplacer. C’est un peu comme créer une mémoire, la reconstituer et la dessiner… comme si la scène avait vraiment eu lieu.


Comment s’est passée votre collaboration avec Thierry Smolderen ? Le terrorisme, la guerre au Proche Orient, Guantanamo, le 11 septembre sont des sujets particulièrement brûlants. Avez-vous beaucoup discuté ensemble avant de travailler sur l’album ?



 Avant et pendant. L’album est né d’une indignation, mais il s’agit de ne pas trop raconter n’importe quoi, de ne pas tomber dans l’anti-américanisme primaire. On passe à peu près 2 heures par jour au téléphone. On s’envoie de la doc, des images, des articles, qui nous donnent des envies d’histoires, de mises en scène. Thierry a autant de préoccupations de dessin, d’architecture et de lumière, que moi de scénario. C’est une vraie partie de ping pong. On en discute, Thierry écrit, je réagis par un storyboard et une proposition de mise en scène, on voit si ça marche, on redécoupe par ci, réécrit par là, je dessine les pages, et Thierry repasse une couche finale de réécriture en fonction du rythme et de l’expression des personnages. Thierry fait attention de ne pas prendre trop d’avance au scénario, pour qu’on reste bien en phase.Il n’y a quasiment pas de conflits d’égo, on est chacun au service de l’histoire et on veut raconter la même chose tout en sachant ce que chacun veut raconter.


Ghost Money est un thriller d’anticipation où se mêlent complot et espionnage : que sera le monde 20 ans après le 11 septembre ? Que pensez-vous des thèses qui ont entouré cet événement ?...



 Les théories du complot néo-cons' prennent le devant de la scène, en ce moment, mettant en cause le gouvernement dans les attentats du 11 septembre (cf. Loose change, sur le net). Malheureusement, elles se discréditent d’elles-mêmes par de nombreuses incohérences et ressemblent à des divagations d’ufologues. Ce qui sert bien la soupe de l’administration Bush.

 Je n’ai aucune compétence pour en penser quoi que ce soit. Je m’étonne juste que les coûts exorbitants de la guerre au Moyen-Orient soient payés par les fonds publics tandis que les contrats pharaoniques de reconstructions et les contrats de guerre privée (Blackwater) soient remportés pas des compagnies privées appartenant à des membres de l’administration. Le tout dans le plus parfait mépris de la vie humaine. Le tour de passe-passe n’est pas nouveau dans l’histoire de l’humanité, mais c’est toujours aussi révoltant. Quand on se demande à qui profite le crime (le 11 septembre), ce n’est clairement ni à Ben Laden, ni à Saddam Hussein.


Craignez-vous avoir de plus en plus de matière pour cette nouvelle série avec les tensions actuelles autour de l’Iran ?



 En 2001 déjà, le « Dessous des Cartes » présentait les opérations en Irak et en Afghanistan, soutenues par des constructions de bases militaires en Arabie Saoudite, Emirats et Koweït, comme un vaste plan d’encerclement de l’Iran.

 Régulièrement, les « milieux autorisés » insistent sur l’imminence du conflit. On a rarement vu une telle guerre annoncée. La population américaine accepterait-elle un Nième conflit ? L’armée en a-t-elle seulement les moyens ? Poutine laisserait-il les USA se rapprocher aussi dangereusement de sa chasse gardée turkmène ? Malheureusement, avec l’imminence des élections américaines, on n’est pas à l’abri d’un coup de Trafalgar.

 Quant à savoir si cela va nous donner de la matière, ce serait un peu cynique de penser en ces termes. Thierry s’applique à préserver dans son scénar une place pour tout bouleversement politique, mais on essaie d’éviter les spéculations malsaines.


Ne croyez-vous pas que l’image des Etats-Unis dans le monde va changer durablement si Barack Obama est élu ?



 J’en rêve, vu l’admiration que j’ai pour ce pays. Mais j’ai peur que ce soit un peu tard. Des générations entières du monde arabe ont subi les foudres aveugles et criminelles du clan Bush. Les blessures risquent de rester vives encore quelque temps. Mais peut-être Obama saura-t-il les apaiser.


Sans rien dévoiler, que pouvez-vous nous dire sur la suite de Ghost Money ?



 Je ne me prononce pas sans Thierry, je peux juste vous dire qu’on essaie de se surprendre l’un l’autre et de se fixer des challenges impossibles. Du coup, on ne sait pas encore trop à quoi ça va ressembler…


Quels sont vos projets ?



 Je m’arrache les cheveux sur une histoire pour Alain Beaulet, dans la Série de L’Homme-nuit et l’ Homme-tableau et garde en tête une éventuelle suite à Shandy. Mais la priorité reste Ghost Money. Ah si !, je suis en train de préparer une expo de grandes aquarelles pour la Galerie Arludik, pour début septembre.

 C’est intimidant, les grands formats… il y a une grande feuille blanche de 2 mètres de haut qui m’attend et j’ose pas trop y aller…

Delphine Bonardi

www.dargaud.com

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