Corbeyran : Charme fou !

Par l'équipe Dargaud

Scénariste connu et reconnu, Eric Corbeyran prouve une nouvelle fois la diversité de son talent de conteur entre le nouvel album du Cadet des Soupetard (avec Berlion en novembre), l’inattendu et jouissif Charmes fous (avec Balez en février) et le nouveau cxant des Stryges (avec Guérineau, en début d’année). Un auteur attachant, curieux, sensible et qui affirme vouloir progresser dans les prochaones années. Voilà qui laisse augurer de belles choses ! Soupetard en arrive à son 10e album. Et, avec P'tites histoires de vacances, on vous sent plus que jamais très proche des "jeunes" lecteurs....


J'ai toujours eu envie d'être lu par des gamins, mais l'envie ne suffit pas toujours. Il faut aussi savoir le faire. Je crois que ça vient avec le temps. Doucement. En dix ans, j'ai appris à simplifier, à ne plus avoir de complexes, à lâcher un peu, à dire les choses comme elles viennent. En fait, plus le temps passe et plus on retrouve cette spontanéité et cette effronterie qu'on avait quand on était des mômes. Ces choses qui sont des qualités mais qu'on ne savait pas que c'en étaient. Ces choses qui allaient de soi, qui coulaient de source, mais que l'on a perdu en grandissant.

Soupetard, Zélie ou Sales mioches : on sent que vous avez ce besoin de vous adresser à ce lectorat.


Un besoin. Une envie. Une nécessité. Je ne sais pas. Il ne faut pas non plus négliger l'aspect rencontre. Je n'aurais sans doute pas fait Soupetard si je n'avais pas croisé Olivier, presque par hasard, au détour d'un festival. Il faut un complice dans une affaire comme celle-là. Il est question d'émotion, de fragilité, de sentiments et de souvenirs. Ce sont des choses délicates à manipuler, des choses rares qu'il faut pouvoir partager, et ça ne peut pas se faire n'importe comment avec n'importe qui. En tout cas, pour moi, écrire en direction des gamins, est un truc assez naturel. De 17 à 24 ans, j'ai été animateur de centre de vacances. J'y ai dépensé pas mal d'énergie. Et puis j'en ai eu assez et j'ai préféré arrêté avant de devenir dingue ou de mourir d'épuisement. ça a laissé un vide. Je l'ai comblé par l'écriture.

Participer aux scénarios d'un mythe de la BD, Boule & Bill, a t-il provoqué quelque chose d'inattendu chez vous ? Ne serait-ce que par le fait de toucher près de 400.000 lecteurs en un seul album !



Merci pour cette précision chiffrée... c'est vrai que d'habitude, je mets au moins 40 albums pour parvenir au même résultat ! Sans rire, j'ai été très touché car après la sortie du bouquin on m'a beaucoup répété que mes gags étaient très fidèles au travail original de Roba. Pour moi, c'est un immense compliment car c'est dans ce sens que j'ai bossé. Dans le respect. Mais au fond, ça n'a pas changé grand chose pour moi. D'abord parce qu'on est une équipe et que je n'ai pas le monopole de la situation, ce qui relativise considérablement mon investissement sur les pages de B & B, que ce en temps, en affectif ou en énergie. Ensuite parce que la profession n'est pas au courant et que le grand public se contrefout de qui fait quoi pourvu que l'album lui plaise. Voilà. Ma vie est restée la même. Quant au 400000 lecteurs, je dirai que quand on écrit, on est toujours seul. Je ne subis aucune pression. Je n'y pense tout simplement pas. J'ai accepté d'écrire ces gags parce que je sentais que je pouvais le faire, sinon, j'aurais dit non. C'était un défi, c'est devenu une chouette expérience. "Au fond, je reste feuilletoniste dans l'âme"

Après Le Village qui s'amenuise, vous remettez ça avec Olivier Balez grâce à Charmes fous. Pour être franc, je vous sens très à l'aise dans ce registre du one-shot...


Pour être franc, moi aussi. Je n'en ai pas fait beaucoup jusqu'à présent (à part "Lie-de-vin" et "Elle ne pleure pas, elle chante"), mais c'est un format que je ne maîtrise pas trop mal, finalement, ça me change un peu. Encore une fois, c'est aussi une question de rencontre. Le style d'Olivier (Balez, cette fois, et non plus Berlion) est difficilement envisageable pour une "série" mais ses qualités graphiques et narratives sur un récit complet sont indéniables. Ca reste toutefois l'exception dans ma production. Même si je suis actuellement en train de travailler avec Philippe Luguy sur un album intitulé "La Mare aux Nymphes", au fond, je reste feuilletoniste dans l'âme. J'aime le rebondissement, le suspense, les fins qui vous tombent dessus alors que rien n'est fini, les rendez-vous avec les lecteurs qui ont lieu tous les ans. J'aime envahir les esprits, j'aime préoccuper les gens (argh ! mais que va-t-il se passer maintenant ?). J'aime être présent.

Où en êtes vous des Stryges ?



On en arrive tranquillement à un moment pivot du projet puisque nous avons récemment attaqué le Tome 9, album qui se situe exactement à la moitié du chemin de la totalité de la série. Je pense que cet album sortira à la rentrée 2005. Avez-vous remarqué à la rentrée dans les bacs des libraires que les 6 premiers tomes étaient ressortis avec de nouvelles couvertures sublimes entièrement travailler à l'ordinateur par Richard Guérineau ? Vous n'avez pas pu les rater, elles pètent carrément le feu ! Ce relooking s'accompagne d'une nouvelle maquette et d'un format supérieur. Le dessin de Richard y gagne considérablement. Ces changements notables ont d'ailleurs conquis de nombreux nouveaux lecteurs. Par ailleurs, depuis avril, Richard est papa d'une petite Ambre, mais je m'égare...

"Je n'ai pas de théorie, je progresse dans l'écriture en écrivant" répondiez-vous à DBD dans le dossier qui vous est consacré. Et vous ne semblez pas avoir fini de progresser !


Hmm... Je ne sais pas si je dois prendre ça pour un compliment... Dans le doute je dirais qu'en effet, je n'ai pas l'intention d'écrire moins et que donc par conséquent, je vais beaucoup progresser dans les prochaines années.

Christin dit de vous que vous êtes un grand scénariste. Simple et pas mal comme compliment !


Là, oui ! ça c'est du compliment ! Et venant de Pierre, c'est le plus beau qu'on puisse me faire ! Cela dit, j'avais quinze ans quand je pensais ça de lui et lui a mis quinze ans pour penser ça de moi... j'en déduis donc que 15 doit être un chiffre clé dans la carrière des grands scénaristes...

Avez-vous le sentiment que la profession de scénariste est devenu un métier plus complet/complexe ?


Franchement, je ne sais pas. J'ai une très mauvaise vision de l'évolution de ma propre spécialité. C'est sans doute lié à ce fameux effet dit du "nez-dans-le-guidon". J'ai cependant l'impression qu'il se profile à l'horizon une vague de "projets de scénaristes" avec des démarches inspirées du "Décalogue", de "La compagnie des Glaces" ou du "Triangle secret". J'ai le sentiment que ces expériences relèguent les dessinateurs plus ou moins au rang d'exécutants... Je ne sais pas si c'est une bonne chose, en tout cas le public a l'air d'y trouver son compte car les cadences de sorties s'en trouvent améliorées... Pour ma part, je préfère continuer à construire des projets plus traditionnels en concertation "avec" les dessinateurs, ça me parait plus juste et plus équilibré. Même si ça ne m'empêche pas par ailleurs de chercher avec eux des solutions pour tenter d'agir directement sur l'aspect rendement qui est devenu l'une des préoccupations prioritaires des éditeurs désireux de sortir leur épingle du jeu de la surproduction. Dans cette optique, depuis 2003, Luc Brahy réalise deux albums d'Imago Mundi par an, et ces aventures sont des récits complets. En 2006, Asphodèle vivra une grande aventure sous la forme d'un feuilleton à suivre au rythme d'un épisode tous les deux mois (mais Defali reste le seul dessinateur). Quant aux Stryges, les séries parallèles permettent d'alimenter l'univers sans dénaturer la série mère. Ce n'est pas toujours évident de concilier créativité et productivité.

Votre livre de chevet du moment ?


En 2004, j'ai beaucoup lu Fante, Brautigan et Bukoswki, mais j'ai découvert aussi (dans le désordre) Fred Vargas, Stefan Zweig et Sherman Alexie. Tout récemment, j'ai découvert Marc Levy qui décrit des sentiments complexes avec une étonnante simplicité. Son style est fluide et limpide, ses récit concis et haletants. Et il possède ce talent rare des grands écrivains de donner envie de tourner la page pour savoir la suite. Ce sont des romans qu'on avale en une nuit. Sinon, pour picorer pendant mes breaks, j'ai aussi fait l'acquisition des inédits du Petit Nicolas. Je me régale !

François Le Bescond

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