Le punk n'est pas mort : Les Héros du peuple sont immortels
Une BD électrique signée Stéphane Oiry qui retrace le destin hors normes de Gilles Bertin, figure punk-rock des années 1980. Une vie entre concerts, braquage et cavale !

Table des matières
La BD, libre adaptation
Bordeaux, début des années 1980. Une bande de copains, squatteurs par conviction et par obligation, décide de monter un groupe de punk rock, Camera Silens : un nom inspiré par les cellules d’isolement où sont emprisonnés, en Allemagne, les membres de la Fraction armée rouge. Entre galères du quotidien, défonce et concerts enflammés, Camera Silens se fait un nom dans le milieu du rock alternatif. Mais au bout de quelques années, Gilles, bassiste et chanteur du groupe, finit par se lasser. Alors qu’il vient d’avoir un enfant, il s’improvise cambrioleur. Un jour, après avoir réussi un gros coup, il quitte la France pour échapper à la police. Une nouvelle vie commence. Désormais, il sera Did’, tenancier d’une boutique de disques à Lisbonne, en attendant de s’inventer d’autres identités…
Les Héros du peuple sont immortels est une libre adaptation de l’autobiographie de Gilles Bertin, Trente ans de cavale : ma vie de punk, publiée en 2019 chez Robert Laffont, l’année de son décès. En 2016, il avait franchi la frontière dans l’autre sens pour se rendre à la justice, qui ne le condamnera qu’à cinq ans de prison avec sursis, en raison de son « bon comportement ». Tout en déroulant son parcours chaotique et en évoquant le Bordeaux marginal de la décennie 1980, l’album rend hommage à un courant musical, le punk, porté par une énergie salutaire au service d’un rêve d’utopie. Stéphane Oiry use par moments du tutoiement en s’adressant directement à Bertin, comme pour abolir la distance entre le lecteur et le personnage. La précision de son trait, ainsi que sa palette de couleurs enrichie d’effets de trame, sont mises au service d’un récit profondément humain en forme de portrait d’une génération perdue, dont Bertin incarne la volonté de croire qu’une autre vie est toujours possible.
Une plongée dans un tourbillon de cavale, de dope, de braquage et de rock, avec une énergie brute et sans concession, 100% punk
Back to top
Gilles Bertin, ce héros
Quand on parle de "héros de BD", on imagine un cow-boy solitaire, un érudit ventripotent avec sa canne et son chapeau ou encore un amnésique à la mèche blanche, tatoué à la clavicule. Dans une émouvante postface, Cécilia Miguel, compagne de Gilles Bertin, nous explique ce terme de "héros" qui figure dans le titre de ce roman graphique.
Gilles René Henri Bertin, de son vrai nom, a su imprégner d'une profonde dignité cette héroïcité, parfois ordinaire, parfois glorieuse, qu'est le fait de vivre.
Elle rend hommage au travail de Stéphane Oiry qui a su transformer en un "magnifique roman graphique" la vie bouleversante de son compagnon. Une vie de poète, de musicien, de romancier, de malfaiteur, de malade chronique, de survivant.
Elle nous invite à la fin du texte à aller à la rencontre d'une génération, d'une époque et de mille vies.
Back to topLisez. Vous comprendrez.
C'est le peuple qui crée ses héros.
Entretien avec Stéphane Oiry
Qu’est-ce qui vous a incité à adapter l’autobiographie de Gilles Bertin ?
Stéphane Oiry : Matthieu Bonhomme m’avait parlé d’un documentaire consacré à Bertin et diffusé sur France Culture, quelques jours avant sa publication, en me disant qu’il y avait là matière à une bonne bande dessinée. Son livre concilie tout ce qui m’intéresse : la musique, le polar et les faits divers. En écoutant l’émission, je me suis dit qu’il fallait que je m’empare de son récit, et je l’ai acheté le jour de sa sortie en librairie.
Vous connaissiez Camera Silens ?
Je les écoutais quand j’étais ado, à l’époque où j’étais plongé dans le punk rock, et j’avais été marqué par leur musique. Camera Silens n’était pas du rock alternatif, selon moi, car ils avaient conservé un état d’esprit très punk.
Avez-vous rencontré Gilles Bertin ?
Hélas, non. Je lui avais écrit sur Messenger et nous avions convenu de nous voir à Toulouse, mais il est tombé dans le coma peu de temps après.
Pourquoi précisez-vous, en introduction, qu’il ne s’agit pas d’une biographie ?
En interrogeant ses proches, j’ai appris que son récit était romancé et qu’il n’avait pas une mémoire toujours précise des faits. Il s’était laissé porter par l’écriture et voulait surtout écrire un livre intéressant. De mon côté, j’ai pris beaucoup de libertés. J’ai coupé dans le texte en ne conservant que les moments-clé et j’ai imaginé de nombreux dialogues. Et je me suis concentré sur trois musiciens de Camera Silens, alors que l’histoire du groupe est plus complexe.
Comment définir Gilles Bertin ?
C’était un punk authentique. Il incarnait à fond l’énergie de ce mouvement et un certain mode d’existence, au-delà de la seule musique. Il cherchait une dose d’adrénaline dans les concerts de Camera Silens comme dans les cambriolages. Il avait choisi de se construire en-dehors du système, et cette idée d’une vie dans les marges m’intéresse. Elle constitue une sorte de fil rouge de mes bandes dessinées, j’aime bien les gens qui cherchent à se forger un espace de liberté.
Pour quelle raison s’est-il rendu à la justice, alors que les faits qui lui étaient reprochés allaient bientôt être prescrits ?
Il avait eu un deuxième enfant pendant sa cavale, et il se disait qu’il ne pourrait pas l’élever sans avoir retrouvé sa propre identité, une notion essentielle à ses yeux. Il était considéré comme décédé par l’État français… Il avait besoin de reprendre la main sur le cours de sa vie, d’autant que la maladie l’avait épuisé. Durant ses années de clandestinité, il avait tout de même réussi à ouvrir une boutique de disques, à se faire soigner et à travailler dans le bar de ses beaux-parents, ce n’est pas rien !
Que reste-t-il de Bertin et de Camera Silens aujourd’hui ?
Camera Silens reste un groupe important qui a joué un rôle de défricheur dans une scène musicale toujours active. On trouve des compilations de leur musique en Russie et aux États-Unis, et leur premier album sera réédité cette année à l’occasion des 40 ans de sa sortie. Sur les réseaux sociaux, j’ai constaté qu’il est attendu avec impatience, pas seulement par le public d’origine mais aussi par des jeunes. Quant à Bertin, c’est une figure populaire. À Bordeaux, une banderole en son honneur a d’ailleurs été déployée par les supporters du club de foot pendant un match… Pour les survivants de cette époque, Gilles Bertin est quelqu’un qui compte toujours.
La Playlist de la BD
L'auteur Stéphane Oiry a concocté pour ses lecteurs une playlist qui "frappe, cogne dans les tympans"... !
Back to top
Lire en ligne
Avant de vous replonger dans la scène punk bordelaise des années 1980 et retrouver Les héros du peuple sont immortels en librairie, on vous invite à lire les premières pages :
Bonne lecture !