La nouvelle série des auteurs de Pablo : interview de J. Birmant

Après Pablo, Julie Birmant et Clément Oubrerie reviennent avec une nouvelle série consacrée à la danseuse Isadora Duncan

Par l'équipe Dargaud

La nouvelle série des auteurs de Pablo : interview de J. Birmant

Après Pablo, fresque sur l’éclosion du génie de Picasso, Julie Birmant et Clément Oubrerie reviennent avec un récit passionnant sur le crépuscule d’une idole, la danseuse Isadora Duncan, et de son grand amour, le poète Serge Essénine. Un voyage dans les remous de l’art et de l’Histoire sur lequel nous éclaire la scénariste Julie Birmant dans cet entretien paru dans Dargaud Le Mag. TOME 1 EN LIBRAIRIE LE 27 NOVEMBRE

Après Pablo Picasso, comment avez-vous « rencontré » l’héroïne d’Il était une fois dans l’Est, Isadora Duncan ?


Julie Birmant : C’est un détail intrigant qui a tout déclenché : Gertrude Stein raconte dans son Autobiographie d’Alice Toklas que quand elle mettait ses « sandales de Raymond Duncan », en 1906 à Paris, elle se faisait refouler des restaurants chics. Mais qui donc était ce Duncan, frère d’une certaine Isadora et faiseur de scandales, non pardon de sandales ?

 

Quelles furent vos lectures pour travailler sur cette nouvelle série ?


Principalement Ma vie d’Isadora Duncan, livre qui lui ressemble, même si elle l’écrit pour complaire à ses généreux éditeurs. Il aurait dû y avoir un second tome, mais un certain accident d’écharpe l’a empêchée de l’écrire. Et notre histoire tente à sa façon de pallier ce manque, tout en reposant sur des faits avérés récoltés au cours de plusieurs années de recherche.

Contrairement à Pablo, l’histoire n’est pas racontée par l’héroïne, mais par une voix off, neutre, portée par une écriture assez romanesque.


Clément Oubrerie a eu cette idée folle : se servir des indications ramassées et évocatrices que j’avais écrites pour lui et qui n’étaient pas faites pour apparaître. Ça donne un ton film noir, façon Faucon Maltais de Dashiell Hammett, qui nous a plu et qui va bien au voyou qu’est Serge Essénine. Car Isadora n’est pas le seul personnage central du livre. Essénine est un grand poète, un Rimbaud russe, avec une aura de rock star qui raconte dans sa Confession d’un voyou sa vie sauvage et enivrée dans les bas-fonds de Moscou. Avec son copain Mariengof, ils sont deux cow-boys, liés par la même amitié érotique que dans les westerns. Bon, sauf qu’ils sont poètes et ne portent pas quinze colts sous leur paletot, mais ils risquent leur vie à chaque instant.

Le titre de la série rappelle un film de Sergio Leone. Et vous dites à un moment qu’ils sont dans un décor de « western à l’envers ». Que voulez-vous dire ?


Quand Isadora débarque à Narva, village de maisons en bois balayé par les vents, aux paysages de steppes immenses, on n’est pas loin de la première séquence d’ Il était une fois dans l’Ouest où les bandits attendent dans une petite gare, avec les mouches, le silence, le paysage désert. On y a le pressentiment de quelque chose de terrible et on ne se lasse pas de regarder la gueule burinée des bandits qu’on scrute avec une fascination mêlée de crainte. Mais dans notre histoire, on

est à l’opposé du « fin fond de l’Ouest ». D’où cette expression de « western à l’envers ». D’ailleurs, quand je regarde la couverture de notre livre, j’entends toujours une musique de Morricone, pas vous ?

Les cases d’Il était une fois dans l’Est sont plus grandes que pour Pablo. Pourquoi ce choix ?


Parce qu’il y a rarement plus de quatre cases par page, et quand il y a peu de cases par page, on voit mieux les dessins ! Ce qui permet de plonger dedans comme dans un film en CinémaScope. D’ailleurs Clément joue avec les formats comme on

règle l’image d’une télé : il dessine par exemple en Panavision, et en trois bandes allongées, la séquence où un fokker à hélices emporte à Berlin Isadora et Essénine.

Les scènes où Isadora danse sont très fortes. Comment avez-vous travaillé avec Clément Oubrerie sur ce parti pris de « casser les cases » pour lui permettre de flotter dans la page ?


C’était une des gageures du livre : réussir à faire sentir au lecteur la sidération des paysans russes quand ils voient Isadora danser du Schubert dans une gare perdue ; ou lui faire partager l’enthousiasme de Lénine au Bolchoï quand elle interprète La Marche slave de Tchaïkovski. Dans la danse, le temps cesse de couler normalement, le corps envahit l’espace. Casser les cases paraît donc assez judicieux quand on veut tenter de capter la liberté du mouvement. Ceci dit, parvenir à rendre le corps en mouvement, le corps émouvant — le travail de toute une vie pour Rodin, par exemple — est une question essentielle pour tout dessinateur, non ? Et reste un profond mystère pour moi… qui doit s’expliquer en partie par une vie entière passée à dessiner… Sans que l’on s’en rende vraiment compte, la liberté de la danse a contaminé tout le livre. Si vous y faites attention, vous verrez que les narrateurs interviennent parfois directement dans les scènes qu’ils racontent, qu’il y a aussi des figures de retour en arrière dans le scénario qui peuvent s’apparenter à des doubles saltos risqués… et qui ne retombent sur leurs pattes que dans le deuxième volet de la série. Il faudra donc patienter jusqu’à sa sortie pour en évaluer la réussite…

Isadora Duncan est paradoxale : elle rêve de gloire, de passion en même temps que du communisme le plus radical. Son engagement politique était-il une pose ?


Isadora Duncan écoute ses impulsions et fonce, ce qui la rend bouleversante et… comique. Parce qu’elle ne fait rien à moitié. Elle est une star absolue, elle n’invente rien de moins que la danse moderne, elle survit à la tragédie la plus absolue — que vous apprendrez en temps utile, dans le deuxième et dernier tome de cette série —, elle accepte de s’installer dans un pays dépeint comme l’enfer sur terre par l’Occident, elle tombe amoureuse d’une rock star dont elle n’a ni l’âge ni la langue en partage…

La librairie Le Divan (203 rue de la Convention - Paris) et les éditions Dargaud vous invitent autour d'un verre pour une séance de dédicaces avec les auteurs d'Il était une fois dans l'Est le jeudi 26 novembre de 18h à 20h à la librairie :

 

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