Jean-Charles Kraehn et Miguel : Myrkos l’insoumis

Par l'équipe Dargaud

Jean-Charles Kraehn, l’auteur complet du somptueux Bout d’homme et du Ruistre, par ailleurs scénariste des séries Les Aigles décapitées*, Tramp et Gil St André, nous présente Myrkos, la nouvelle saga “d’antic fantasy” qu’il signe en octobre avec Miguel, un jeune dessinateur brésilien qui revient sur son parcours.





Jean-Charles, vous lancez une nouvelle série. Deviendriez-vous un scénariste prolifique ?






Multiple, mais pas prolifique ! Chez Dargaud, Philippe Ostermann et François Le Bescond voulaient m’associer à Michel Rouge qui, après avoir arrêté Comanche, finissait un Marshal Blueberry. Ayant déjà beaucoup de travail, je ne cherchais pas à multiplier les collaborations, mais j’avais une idée de scénario qui traînait depuis quelque temps dans un coin de ma tête. J’ai alors rédigé un synopsis très sommaire de deux pages qui a plu à l’éditeur… mais pas à Michel. Pour des raisons personnelles, il ne s’y retrouvait pas. Ne courant pas après une nouvelle collaboration, j’ai laissé tomber. Entre-temps, j’avais vu par hasard des planches d’un certain Miguel que j’avais trouvé intéressantes. Un dessin très élégant, proche de celui de Giardino. Un mois plus tard, l’éditeur m’annonce qu’il a présenté mon synopsis à ce Miguel… qui est alors en panne de scénario et qui est complètement emballé par mon projet. Un peu contraint et dubitatif, je lui ai quand même écrit neuf pages pour qu’il puisse faire un essai. Il m’a fait quatre pages magnifiques. C’était parti ! Au début, il devait dessiner mon histoire en alternance avec son autre scénariste, ça m’arrangeait, mais la fin du scénario n’arrivant pas, Dargaud y a définitivement renoncé. On m’a alors demandé d’alimenter régulièrement Miguel en texte. Ce qui m’arrangeait moins, rapport à mon planning, mais au vu du résultat, je ne le ne regrette pas. En plus d’être un bon dessinateur, Miguel est quelqu’un de vraiment bien. Un “être humain” comme disent les Indiens.


Quid de ce nouvel univers ?



Nous sommes dans un monde imaginaire, une sorte d’Antiquité réinventée. Cette série s’appelle Myrkos, du nom du héros. Dans le premier tome, nous le découvrons élève à la Scola Impériale des Arts, l’école officielle d’art, où il apprend le métier d’ornemaniste, celui qui dessine des ornements. Le mot est volontairement galvaudé car dans le langage contemporain un ornemaniste n’est pas un peintre. Petit à petit, Il va inventer une nouvelle façon de dessiner et de représenter les gens et les choses dans une société où l’art est codifié, sacré, un peu comme l’était l’art égyptien. En faisant du dessin profane, dans un univers qui est régi par les prêtres, il deviendra un rebelle. Parallèlement, aux confins du royaume, un personnage qui n’est pas sans rappeler le Christ est en train de prêcher qu’il n’y a qu’un seul dieu, alors que nous sommes dans un contexte polythéiste. J’ai imaginé un monde où un jeune peintre va bouleverser la société dans laquelle il vit parce qu’il décide de représenter ce qu’il voit, gens, paysages, décors… c’est-à-dire le profane et non plus le sacré. C’est une réflexion sur l’évolution de l’art, qui m’a été inspirée par le bouleversement qu’a apporté l’invention de la perspective à la Renaissance, même si, dans la réalité, les choses ne se sont pas passées aussi brutalement. Mais nous restons dans l’aventure. Myrkos est un personnage insoumis dont nous allons suivre le parcours. Il deviendra sans doute un chef de guerre… C’est du péplum !


Miguel, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?



Je suis né au Brésil en 1971, j’ai longtemps vécu à Belém en Amazonie. J’ai commencé des études de sciences politiques, mais après un an et demi, j’ai préféré suivre des études d’arts plastiques. Après la fac, je suis allé à Barcelone pour me perfectionner. Depuis, j’ai été graphiste et j’ai donné des cours de design dans une université brésilienne. Pendant tout ce temps, j’essayais de faire de la BD : j’ai publié un album au Brésil et une histoire courte au Portugal… Puis j’ai tout quitté pour essayer de vivre en dessinant de petits personnages qui parlent avec des bulles !


Pourquoi aviez-vous quitté le Brésil pour venir en Europe ?



Au Brésil, il n’y a presque pas de bandes dessinées. On y trouve surtout des trucs pour les enfants et beaucoup d’histoires de super-héros. Je n’ai jamais eu envie de dessiner ce type d’histoires trop manichéennes, avec des personnages hypermusclés qui résolvent divers problèmes avec leur rayon laser ! L’Europe me semblait être une espèce d’oasis de la “bonne” bande dessinée, où l’on peut parler des choses plus profondes d’une façon personnelle. Les images de Tintin et surtout du Major Fatal de Mœbius m’ont marqué dès mon jeune âge, d’une façon très naturelle…


Comment êtes-vous arrivé chez Dargaud ? Aviez-vous déjà une histoire à leur proposer ?



Oui, avec Leo comme scénariste, nous avions présenté un projet chez Dargaud. Ils l’ont trouvé intéressant, mais plutôt comme une possibilité pour le futur. Il m’aura permis de “briser la glace” pour faire mes premiers pas chez cet éditeur.


Quel a été le rôle de Leo ?






Il faut dire que je connais Leo et son épouse Isabel depuis bientôt dix ans. Notre relation est bien plus qu’une simple estime professionnelle… Chez Dargaud, Leo m’a présenté à François Le Bescond qui m’a alors proposé un scénario d’un autre scénariste. C’est ainsi que je suis entré dans le monde de la BD. Ça n’a pas été un début facile parce que ce projet s’est arrêté en plein milieu… Bravo et merci à ma femme Fernanda qui a assuré notre quotidien en prenant un petit boulot.


Comment avez-vous rencontré Jean-Charles Kraehn ?



Par hasard, Jean-Charles a vu mes dessins chez Dargaud et ça lui a plu. Nous ne nous étions jamais parlé. Connaissez-vous le proverbe : “Dieu écrit droit par des lignes courbes ?”


Comment vous a-t-il présenté Myrkos ?



C’est plutôt Myrkos qui a fait les présentations ! Alors que le projet sur lequel je travaillais sombrait, François m’a montré le synopsis d’une nouvelle série. Elle avait été proposée à un autre dessinateur qui, apparemment, n’avait pas trop aimé la chose. Après avoir lu ce texte, j’ai dit à François : “Ça, c’est pour moi ! Ne le montre plus à personne.” Je suis tombé amoureux de Myrkos dès cette première lecture, il me tombait du ciel ! Je ne saurais pas parler de ma vie sans penser à Dieu, à ces incroyables coïncidences… Après quelques planches d’essais, Myrkos naissait.


Comment se déroule votre collaboration avec Kraehn ? Avez-vous lu ses autres séries ?



Comme je ne connaissais pas ses autres séries, je les ai lus afin de découvrir qui était Kraehn. Etait-il un si bon scénariste comme ce synopsis me le laissait imaginer ? Avec joie, en lisant Tramp et Gil St André, je me suis aperçu que j’étais tombé sur un scénariste en béton ! Il a d’excellentes idées et il sait raconter de bonnes histoires. Plus important encore, j’ai découvert en Jean-Charles, un ami, une personne fiable et ouverte. Ce n’est pas un scénariste qui étouffe le dessinateur, tout au contraire, il me laisse participer au développement de l’histoire. D’un autre côté, comme c’est aussi un bon dessinateur, il me donne beaucoup de conseils : j’apprends énormément avec lui. Cerise sur le gâteau, sa femme Patricia Jambers est notre coloriste. Sacrée coloriste, vous le verrez !


Quel effet cela vous fait-il d’être édité en Europe ?






Je ne saurais pas formuler combien cela signifie pour moi. Ça dépasse les mots.


Brieg F. Haslé






• Série aujourd’hui scénarisée par Erik Arnoux.

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