Interview de Paolo Cossi

Par l'équipe Dargaud

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 Avec cet album sur le génocide arménien, l'auteur Paolo Cossi prouve que le genre de la bande dessinée n'a pas seulement pour vocation de distraire. Comme Art Spiegelman ("Maus") ou Marjane Satrapi ("Persépolis") avant lui, Paolo Cossi fait appel à la conscience humaniste des lecteurs dans un récit tendre et cruel, drôle et grave autour de personnages d'une grande richesse psychologique et au caractère fort. Il a accepté de nous en dire un peu plus...

 


 Pourriez-vous nous faire un petit résumé de votre parcours dans la BD ?

 

 Quand j’étais enfant, j’étais souvent malade et comme nous n’avions pas la télévision, j’avais l’habitude de passer mes journées à peindre sur les feuilles que ma mère me ramenait à la maison.

 

 J’ai grandi en lisant les aventures de Corto Maltese et d’Astérix, puis les comics de Jacovitti, Toppi et Moebius.

 

 J’ai publié ma première bande dessinée à 22 ans, Corona, l’uomo del bosco di Erto, en 2002. D’autres romans graphiques ont suivi : Tina Modotti, Unabomber, Mauro Corona - la montagna come la vita, La storia di Mara, Il terremoto del Friuli, 1918 – destini d’ottobre, et d’autres histoires courtes.

 

 En 2004, j’ai reçu le prix Albertarelli du meilleur jeune auteur italien.

 


 Comment est née l’idée de l’album Medz Yeghern ?

 

 A l’origine, je ne savais rien sur le sujet. J’en ai entendu parlé pour la première fois en 2006 par un de mes amis qui se rendait régulièrement en Turquie pour ses recherches. Quand il m’a dit qu’1,5 million de personnes avaient été assassinés et que l’on avait fait disparaître dans le désert, je suis resté abasourdi : comment était-il possible qu’un tel crime avait été tu ? Comment était-il possible qu’aucun livre d’histoire n’en faisait mention ? Alors j’ai décidé qu’il était temps d’approfondir le sujet et d’essayer de mieux le comprendre. Lors de mes recherches j’ai réalisé que cette chape de silence sur le génocide arménien devait être levée. En tant qu’auteur de bande dessinée, j’ai senti que je pouvais contribuer à cela en écrivant ce livre avec l’espoir d’éveiller l’intérêt des lecteurs qui ne connaissent pas cette horrible histoire.

 


 Vous êtes à la fois scénariste et dessinateur. Comment avez-vous travaillé ?

 

 En tant que scénariste, j’ai commencé mon travail en recherchant des documents mais également en cherchant une bonne intrigue pour situer les événements et les personnages historiques (comme Wegner, Lepsius, etc). L’histoire s’articule comme une sorte de jeu entre deux personnages qui, au milieu d’une situation dramatique, se rencontrent, se lient d’amitié puis se perdent.

 

 En tant que dessinateur, j’ai passé beaucoup de temps à chercher des photographies et des images que je voulais aussi fidèles que possible aux vêtements, visages, lieux de l’époque. Cela n’a pas été difficile, excepté pour le vieux Berlin, parce qu’une grande partie de la ville a été détruite pendant la 2nde Guerre Mondiale, mais j’ai beaucoup travaillé pour réunir et mettre en ordre toutes ces informations et finalement parvenir à quelque chose de très cohérent par rapport aux événements historiques.

 

 Comment vous êtes-vous documenté sur le sujet du génocide arménien ?

 


 Et bien, j’ai commencé à lire plusieurs ouvrages puis recherché des documents (un ami historien m’a donné plusieurs journaux de l’époque). J’ai également recherché des photos, des films, des documentaires, où des survivants étaient appelés à témoigner. Une fois ma base de connaissances suffisamment solide, j’ai commencé mes entretiens. Passées ces étapes, j’ai dessiné quelques croquis et personnages qui, jusqu’à la finalisation du livre, étaient inconnus… même de moi !

 

 Il n’a pas été facile de se documenter : il existe très peu de livres et évidemment ceux-ci ne se trouvent pas en haut de la pile dans les bibliothèques. Les archives sont souvent en très mauvais état. Néanmoins, quand j’ai démarré mes entretiens, beaucoup de choses sont remontées à la surface. L’aide des Arméniens a été incroyable sans compter qu’ils m’ont prêté des photos, des écrits, etc… Je ne peux pas tous les citer mais je voudrais remercier par-dessus tout Antonia Arslan, l’auteur de La masseria delle allodole, qui m’a beaucoup aidé en me donnant une documentation précieuse et m’a permis de rencontrer des personnes formidables.

 


 Pourquoi ce sujet vous touche-t-il particulièrement ?

 

 Beaucoup de personnes ont été surpris d’apprendre qu’un non-Arménien avait pris à cœur cette cause. Je pense sincèrement qu’il n’est pas nécessaire d’appartenir à un peuple pour être profondément affecté. Ce qui a été fait aux Arméniens n’est pas seulement un crime envers cette population mais il s’agit d’une violence contre l’humanité toute entière, comme tout génocide dans l’Histoire. S’en préoccuper, tenter de comprendre devrait être un devoir pour chaque être humain.

 

 Quelle a été la réaction en Italie à la sortie de l’album ? Qu’attendez-vous de la parution en France et en Belgique ?

 


 En Italie, le livre a éveillé un grand intérêt. Je l’ai présenté dans des clubs, des écoles, des bibliothèques, et rencontré de nombreuses personnes curieuses et se sentant concernées par ce sujet. Beaucoup d’entre eux, comme moi au début, n’avaient jamais entendu parler du génocide arménien et ce livre leur a donné envie d’approfondir le sujet et de faire leurs propres recherches.

 

 Inutile de dire que j’étais très heureux de la publication de Medz Yeghern – Le Grand Mal en France et en Belgique. Pas pour ma gloire personnelle, ce dont je me préoccupe très peu, mais parce qu’ainsi le drame arménien serait connu du grand public : la France et la Belgique sont des pays où la bande dessinée est tellement appréciée et marche si bien, qu’elle nous donne « une voix forte ».

 


 Quels sont vos projets ? Que peut-on vous souhaiter pour 2009 ?

 

 J’ai tellement d’idées et tellement de projets que j’ai mis de côté et que j’aimerais finir une fois pour toutes. Aujourd’hui, je suis en train de terminer un nouveau livre, L’uomo più vecchio del mondo, (L’homme le plus vieux du monde) qui parle de rêves et de mensonges.

 

 En février prochain, je me rendrais en Afrique pour un court séjour et je pense que le Sahara saura être une source d’inspiration…

 

 

 Propos recueillis par Delphine Bonardi
 

 www.dargaud.com

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