Renaître après Charlie

Avec La Légèreté, Catherine Meurisse achève son travail de reconstruction. L’auteure nous fait vivre en 140 pages les longs mois de chaos et de sidération de l’après-Charlie.

Par l'équipe Dargaud

Renaître après Charlie

Si l’on entre dans l'album de Catherine Meurisse la mine grave, on en ressort indéniablement plus léger : l'auteur a traduit en mots et en images ce que beaucoup ont ressenti à la suite des événements tragiques du 7 janvier 2015, entre crises de larmes et fous rires. Un album majeur à paraître le 29 avril en librairies. Interview :

La Légèreté raconte avec pudeur votre après-Charlie. La difficulté à reprendre le crayon après le chaos. Quand et comment avez-vous commencé à travailler sur l’album : était-ce par un dessin ? Par une idée de séquence ? Ou l’envie plus générale de raconter ?


Les premiers mois de l'année 2015 ont été, comme vous pouvez l'imaginer, et comme je le raconte dans mon livre, extrêmement éprouvants. Après l'attentat, nous — survivants de Charlie — avions besoin de rester groupés en permanence, de penser l'avenir du journal ensemble, de nous soutenir, de ne perdre de vue aucun de nous — blessés, valides, proches des disparus. Le « nous » nous définissait. Puis, le dessinateur Luz, en annonçant qu'il allait publier une bande dessinée, Catharsis, s'est mis à dire « je ». Cela m'a d'abord saisie, voire choquée, j'ai cru que Luz nous abandonnait… Jusqu'à ce que je me rende compte que c'est lui qui avait raison : après « nous », il fallait dire « je », pour pouvoir espérer sortir du chaos et retrouver son identité. J'ai décidé de dire « je » à mon tour et de coucher sur le papier le désordre que j'avais en tête. Le premier dessin que j'ai réalisé, cinq mois après la tuerie, est celui qui figure sur la couverture de La Légèreté. Les autres dessins ont suivi, mêlés de fragments de textes ; il s'agissait pour moi de récupérer de la pensée, de la cohérence, des émotions, de la mémoire, de récolter petit à petit tout ce que le choc traumatique du 7 janvier m'avait fait perdre. C'était une priorité telle, que textes et dessins sont arrivés tout seuls, comme une évidence.



Face au tourbillon des événements, la nature et la culture semblent avoir été les piliers auxquels vous avez pu vous raccrocher. Est-ce cela qui vous a permis de surmonter le traumatisme ?


Oui. La violence humaine, le 7 janvier, a été telle, que, pour ne pas croire que le monde allait basculer totalement dans le macabre, il m'a fallu retourner aux sources, m'approcher de ce qu'il y avait « avant » l'horreur, avant l'acte barbare, avant l'humain, en somme ! La nature, donc, m'a aidée ; je me suis beaucoup baladée seule, à la mer, à la campagne, à la montagne. Le vent, la lumière, la pluie, l'observation des arbres peuvent être des alliés insoupçonnés. La culture a été aussi d'une aide précieuse. Aller au théâtre, regarder une peinture, sans aucun bagage intellectuel (le choc du 7 janvier m'a fait perdre pendant de longs mois mémoire et capacité de raisonnement) m'a aidée à retrouver l'apaisement. J'ai immédiatement et instinctivement été obsédée par la beauté, dans les jours qui ont suivi l'attentat et pendant toute l'année 2015. La beauté, comme l'opposé du chaos et de la violence. Dans la beauté, je mets la nature, la culture, l'amitié (la gentillesse des personnes qui se sont occupées de moi ou m'ont juste envoyé un signe après l'attentat m'a complètement bouleversée). Concentrer mon regard sur ces belles choses a été ma façon de survivre.



Pourriez-vous nous expliquer le sens du titre de l’album, qu’est-ce qu’est pour vous cette Légèreté ?


La légèreté, c'est tout ce que j'ai perdu le 7 janvier et que j'essaie de retrouver. Le rire ; rire avec les autres, faire rire les autres. L'insouciance, la liberté, l'énergie, l'élan, la capacité de s'élever… L'insoutenable légèreté de l'être, pour reprendre le titre de Kundera, ou plutôt « l'indispensable » légèreté de l'être.

« La légèreté », c'est aussi le dessin : je fais partie de la famille des dessinateurs au trait "jeté", spontané, qui ne s'embarrassent pas d'accessoires. Je dessine à la plume : outil léger… comme une plume, donc. Le dessin, qu'on pratique tous dès l'enfance, est terriblement léger. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment on a pu tuer, en janvier 2015, « des gens qui dessinent ».


Pour découvrir la suite de l'interview de Catherine Meurisse, rendez-vous le 6 mai prochain dans la nouvelle édition de Dargaud Le Mag.


En librairie le 29 avril









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