La Flèche Ardente : la suite du Rayon 'U'
80 ans après, enfin la suite du mythique Rayon 'U', l'univers précurseur de Blake et Mortimer ! Interview des auteurs de La Flèche Ardente
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Quatre-vingts ans après la publication du Rayon 'U' dans l’hebdomadaire belge Bravo !, les personnages créés par Edgar P. Jacobs sont de retour !
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Jean Van Hamme, qui n’était encore qu’un jeune garçon à l'époque, découvrait avec émerveillement ce récit fondateur de la bande dessinée belge de science-fiction ; aujourd’hui, il relève le défi et décide de succéder à Jacobs. Il reprend l’histoire là où celui-ci l’avait laissée pour en imaginer, enfin, le dénouement tant attendu.
Avec Le Rayon 'U', Jacobs introduit des idées que l’on retrouvera dans Blake et Mortimer.
Étienne Schréder
Christian Cailleaux et Étienne Schréder, dessinateurs du Cri du Moloch, une aventure de Blake et Mortimer, mettent leur talent graphique et leur connaissance intime de l’œuvre de Jacobs au service de son style si personnel, afin de faire de cette Flèche Ardente une suite idéale, fidèle à l’esprit du Rayon 'U'.
Quant aux couleurs de Bruno Tatti, elles s’inscrivent dans la continuité de celles utilisées par Jacobs. Le mystère du rayon 'U' est enfin sur le point d’être élucidé… à moins que Puncha Taloc ne décide d’empêcher les auteurs de mener à bien leur mission !
Les mythiques personnages du Rayon 'U' d’Edgar P. Jacobs reprennent enfin vie, dans cet album, La Flèche Ardente qui contient tous les éléments fondateurs de Blake et Mortimer, de la crainte d’un nouveau conflit mondial aux excès de la science, en passant par des véhicules fabuleux et innovants.
Babylos III, le cruel empereur d’Austradie, a confié une mission au général Robioff, général en chef de son armée : s’emparer des Îles Noires et de leur gisement d’uradium.
Ce dernier, associé au fameux rayon 'U', doit permettre la mise au point d’une arme invincible, censée assurer la domination de l’Austradie sur son ennemie jurée, la Norlandie.
Le mystère du Rayon 'U' est expliqué dans la Flèche Ardente.
Jean Van Hamme
Pendant ce temps, en Norlandie, le professeur Marduk présente justement le rayon 'U' aux membres du Grand Conseil. Mais il s’apprête à commettre un sacrilège : l’uradium, cette « pierre de vie et de mort », est protégée par Puncha Taloc, le dieu du Feu. La guerre et la désolation risquent de s’abattre bientôt sur les Îles Noires…
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Pour quelle raison avez-vous imaginé une suite du Rayon 'U' ?
Dans cette histoire, Edgar P. Jacobs ne nous dit pas en quoi consiste le rayon “U”. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il utilise de l’uradium et qu’il se trouve dans les Îles Noires. J’avais envie d’apporter une réponse à cette question, mais aussi de renouer avec un plaisir d’enfant. Et pour justifier cette suite, je suppose que la maîtrise du rayon “U” permettrait de fabriquer une arme formidable.
À quel âge avez-vous lu l'histoire de Jacobs ?
J’étais trop jeune pour la lire dans Bravo! lors de sa parution, je l’ai découverte juste après la guerre dans les numéros du magazine que mon oncle avait achetés. Je me souviens d’avoir été impressionné par cette histoire !
Peut-on séduire le lecteur de 2023 comme l'avait été celui des années 1940 ?
Je n’en ai pas la moindre idée… L’éditeur de Blake et Mortimer, Yves Schlirf, a été étonné quand je lui ai parlé de mon projet d’une suite, mais j’ai écrit ce scénario, car cela m’amusait beaucoup. Et je l’ai bouclé très vite, en cinq semaines, alors qu’il me faut plutôt deux ou trois mois pour écrire une histoire. Étienne Schréder et Christian Cailleaux se sont bien amusés, eux aussi, et j’espère qu’il en sera de même pour les lecteurs.
Quel regard portez-vous aujourd'hui sur cette première histoire de Jacobs ?
Je la trouve kitschissime ! Quand le professeur Marduk est sauvé par ses copains alors qu’il est attaqué par des ptérodactyles, il se contente de leur dire : « Hello ! »
Je trouve ça fantastique ! Le Rayon “U” est à prendre non pas au deuxième degré, mais au moins au quinzième… On y trouve la même candeur que dans les premières aventures de Tintin. Je pense que Jacobs a écrit Le Rayon “U” sans suivre de scénario, et je me suis efforcé d’adopter le même état d’esprit dans La Flèche ardente.
Vous avez donné un rôle plus important à Adji, le domestique du professeur Marduk, comme vous l'aviez fait avec Nasir dans un album de Blake et Mortimer, Le Dernier espadon.
Oui, car Adji connaît les traditions et croit au pou-voir du dieu Puncha Taloc, à la différence de Marduk qui est un scientifique. Il existe une différence « sociétale » intéressante entre ces deux hommes.
Avez-vous prévu de lancer une nouvelle série autour de l'univers du Rayon "U" ?
Non, car tout est réglé avec La Flèche ardente. Le mystère du rayon “U” est expliqué, le professeur Hollis, le père de Sylvia, est retrouvé,
et le méchant empereur est destitué…
Selon vous, Le Rayon "U" est-il la matrice de Blake et Mortimer ?
Non, je ne crois pas. Ces deux univers sont radicalement différents, même si l’on trouve parfois une forme d’ingénuité dans les aventures de Blake et Mortimer. Le Secret de l’Espadon est une histoire sérieuse, et quand je l’avais lue lors de sa parution dans l’hebdomadaire Tintin, en 1946, j’avais été frappé par la dimension réaliste et effrayante du conflit qu’elle met en scène.
Au fait, en quoi consiste la formule de ce rayon "u" ?
Je ne suis pas allé la chercher bien loin : il s’agit plus ou moins de celle du rayon laser…
Back to topL'interview de Christian Cailleaux
Quel était le défi graphique de La Flèche ardente ?
L’objectif était le même que pour Le Cri du Moloch, l’aventure de Blake et Mortimer que j’ai dessinée avec Étienne Schréder : rester fidèle à l’esprit de Jacobs.
Vos contraintes étaient-elles identiques à celles d'un album de Blake et Mortimer ?
Non, car les personnages du Rayon “U” sont moins connus du grand public. Je disposais donc d’une plus grande liberté de représentation, d’autant qu’ils changent parfois de tête au fil de l’histoire. Mais il était indispensable de conserver les attitudes propres au style de Jacobs, comme la position des mains ou la manière de courir, et l’expression parfois théâtrale des visages. L’œuvre de Jacobs se nourrit de signes graphiques qu’il est indispensable de préserver. Il fallait aborder cet album comme s’il avait été dessiné dans la foulée immédiate du Rayon “U”.
Comment vous êtes-vous partagé les rôles avec Étienne Schréder ?
Nous avions déjà rôdé notre méthode de travail sur Le Cri du Moloch. J’ai d’abord réalisé un croquis de chaque case, sur lequel il a posé la ligne d’horizon et les points de fuite. Grâce à ces repères, j’ai crayonné les personnages, puis Étienne a procédé à un crayonné abouti des décors autour d’eux. Cela peut donner l’impression d’une « usine à gaz », mais cette méthode de travail permet de disposer en permanence d’une vision extérieure sur le travail de chacun, et ainsi de se sentir moins seul. Je me considérais comme un dessinateur au service d’un projet graphique, et je me suis plongé dans le pur plaisir du dessin !
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Quel regard portez-vous sur le Rayon"U" ?
On peut le considérer comme un pastiche.
Le responsable de l’hebdomadaire Bravo! avait demandé à Jacobs d’imaginer une sorte de démarquage de Flash Gordon, qui venait d’être interdit par la censure allemande. À ce moment-là, Jacobs considère le dessin comme un simple moyen de subsistance et il n’a pas l’intention de faire carrière dans la bande dessinée. D’ailleurs, et c’est significatif, il entame son scénario en écrivant :
« Le Rayon “U”, roman d’aventures dans le style Gordon », mais il ne parle pas de bande dessinée.
Quelle est son importance dans l'oeuvre de Jacobs ?
Cette histoire est devenue une sorte de « réservoir ». Jacobs y introduit des idées et des éléments graphiques qu’il ne mène pas jusqu’au bout, mais que l’on reverra plus tard dans des albums de Blake et Mortimer, comme L’Énigme de l’Atlantide ou Le Piège diabolique.
Vous avez retrouvé les planches originales de l'album telles qu'elles avaient été publiées dans Bravo! ?
L’histoire est plus compliquée ! En réalité, il n’existe pas de planches originales en noir et blanc. La version d’origine du Rayon “U”, ce sont les pages en deux strips, coloriées en couleurs directes et publiées dans Bravo! Mais nous sommes bel et bien repartis, pour cette version « bibliophile », de planches en noir et blanc.
Expliquez-nous...
Afin de publier une nouvelle version du Rayon “U” dans l’hebdomadaire Tintin, puis en album, en 1974, les collaborateurs de Jacobs avaient procédé à une opération de photogravure depuis les pages imprimées de Bravo!, ce qui avait permis d’ôter les couleurs et de ne conserver que le trait noir. En isolant ce trait, grâce à un procédé chimique et photographique complexe, et en le reproduisant sur du papier dessin, ils avaient donc obtenu une version en noir et blanc des planches que Jacobs avait coloriées. Il ne restait plus à ce dernier qu’à découper les cases et à les remonter selon le nouveau format.
Pourquoi six pages de la version originale ne sont-elles pas en couleurs ?
Seules la couverture et la dernière page de Bravo! étaient imprimées en couleurs, alors que les pages intérieures l’étaient en rouge ou en bleu. Le Rayon “U” était publié en première ou en dernière page, mais, à six reprises, l’histoire a été déplacée à l’intérieur de l’hebdomadaire, et donc publiée en monochromie. Ce sont ces pages que Jacobs a redessinées pour la version de 1974.
Quelles sont les différences entre ces deux versions ?
Entre 1943 et 1974, le style de Jacobs a beaucoup évolué. Dans cette deuxième version du Rayon “U”, certains personnages ressemblent
à ceux des aventures de Blake et Mortimer. Et, surtout, il a réécrit les textes. Certains détails qui traduisent l’influence de Blake et Mortimer semblent d’ailleurs lui avoir échappé : lorsque Dagon s’adresse au dictateur, Babylos, il l’appelle « Sir », pas « Sire » ou « Majesté » comme dans la version initiale.
Que sont devenues les planches du Rayon "U" ?
Personne ne sait où elles se trouvent, mais on suppose qu’elles sont en possession du fils de Jan Meuwissen, l’éditeur de Bravo!, à l’exception de deux ou trois d’entre elles qui appartiennent à des collectionneurs. Elles ont aussi pu être détruites, car le fétichisme de l’original n’existait pas à cette époque comme c’est le cas aujourd’hui.
Merci aux auteurs d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Avec la suite du Rayon 'U', plongez dans l'univers de Jacobs, aux fondements de Blake et Mortimer, nous vous offrons les premières planches de la Flèche Ardente :
Bonne lecture !
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