De Gaulle à la plage… et Jean-Yves Ferri en interview

Par l'équipe Dargaud

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On peut avoir été l’un des plus grands chefs d’État français et avoir connu des moments de villégiature… Partant de cette idée délicieusement simple (et un tantinet farfelue !), Jean-Yves Ferri a réalisé un album dans la collection “Poisson Pilote”. Un chef-d’œuvre d’humour… français !


“Mon seul rival international, c’est Tintin”, aurait – selon Malraux – dit de Gaulle. Et maintenant, grâce à vous, le général de Gaulle devient un véritable personnage de BD. Comment vous est venue cette idée ?

 Difficile à dire. À l’origine, je crois avoir entendu des voix qui me disaient : “Va, cours et fais un album sur le général de Gaulle…” Non, en fait le personnage m’intéressait depuis longtemps. Sa dimension historique et sa personnalité en font un ovni de l’Histoire. Le point de départ a été d’accoler le général à l’idée de plage et de villégiature, ce qui est une sorte d’hypothèse absurde et une situation à rebrousse-poil pleine de possibilités de gags.


De Gaulle, par sa personnalité et son physique hors normes, n’a cessé d’inspirer les caricaturistes de son époque. On pense notamment à Roland Moisan. Comment vous situez-vous par rapport à cet héritage artistique et scénaristique ?

 Ma démarche est différente. Les caricaturistes de l’époque se mesuraient au personnage en activité et à sa politique. “Mon” de Gaulle est davantage un monsieur Hulot déphasé. On est à la fin des années 1950. Sa période de gloire est passée et il n’a pas encore été rappelé au pouvoir. Incognito sur la plage, il ronge son frein et tente d’écrire ses mémoires. Évidemment, les choses dérapent progressivement jusqu’à une situation improbable de flirt de vacances qui aurait bien pu nous priver à tout jamais de son retour aux affaires.


Dans la mémoire collective, de Gaulle, c’est d’abord la tenue militaire et deux moments clés : l’appel du 18 Juin et la Seconde Guerre mondiale, la fin de la guerre d’Algérie et les débuts de la cinquième République. Or le voilà qui apparaît dépourvu de tout atour, en maillot de bain (!) et en pleine traversée du désert. Pourquoi avoir choisi ce contexte ?

 L’humour ne marche jamais aussi bien que si la situation de fond est tragique. Or si on y réfléchit, la situation du de Gaulle de l’album est tragique. Il est, en ces années 1950, écarté du pouvoir et de l’action, confronté à des baigneurs qui ne le reconnaissent pas et à des proches qui l’incitent à la modération, il n’a plus rien de providentiel. Pour lui, ces temps de calme plat sont une calamité. Heureusement, à ses côtés, son aide de camp, le capitaine Lebornec, continue à croire en lui…


Abandonné des Français, de Gaulle, pour cette première escapade balnéaire, n’est pas seul. Pouvez-vous nous expliquer ce qui a guidé le choix de cet aréopage saugrenu ?

 C’est vrai, je l’ai affublé d’une épouse et d’un fils assez peu conformes à la réalité historique. Yvonne va jusqu’à douter des raisons qui ont poussé son mari à partir pour Londres en juin 1940… L’idée était de renforcer l’impression de solitude autour du général. Il en est à l’instant critique où il hésite entre l’idée de retour au pouvoir et celle de tout laisser en plan pour devenir enfin un baigneur comme les autres. Tout ça au rythme de la vie balnéaire, particulièrement plate et monotone… ça donne envie, non ?


Et puis il y a l’incroyable chien Wehrmacht…

 J’ai trouvé ce chien dans les (vraies) Mémoires de Philippe de Gaulle. Il a donc existé pour de bon et s’appelait non Wehrmacht mais Vincam (“Je vaincrai”). C’était bien le rejeton d’un chien-loup d’Hitler recueilli un temps à la Boisserie. Je ne pouvais quand même pas laisser passer ça.


Sur cette belle plage, le général retrouve même l’un des autres héros de la Seconde Guerre mondiale : Winston Churchill…

 C’est la moindre des choses. Même, si dans la réalité, Churchill ne serait jamais descendu dans un hôtel aussi modeste. Là encore, on ne pouvait pas faire l’économie de ce duo. Les deux hommes étaient dotés d’un humour assez féroce. En comparaison, je suis resté très light, conforme je crois au ton de la BD un peu naïve de l’époque… Voilà le mot : cet album est très naïf. J’adore la naïveté qui permet de dire des choses, sur le pouvoir notamment, sans emphase inutile. D’ailleurs, la présentation de l’album joue aussi sur ce registre naïf : couleurs tramées, dos toilé, etc., un peu l’album que vous auriez pu trouver dans le grenier de votre grand-mère si elle n’avait pas tout revendu sur e-Bay.


Pourquoi avoir choisi, comme dans Le Retour à la terre, le strip en 6 cases ?

 Question de rythme efficace, de “mécanique” du gag. Le pari étant de révéler un personnage assez éloigné du lecteur. Alors que Le Retour joue sur des situations beaucoup plus familières. Ah j’en ai chié, je vous le dis !


Une suite est-elle prévue ? Pompidou à la montagne ? Mitterrand à EuroDisney ?

 Sûrement pas. Pour les raisons évoquées ci-dessus, je reviens immédiatement aux oiseaux et aux petites fleurs…


R. Lachat

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