Roba en pensée

Par l'équipe Dargaud

Dans l’ouvrage hors série Boule & Bill de famille (initialement paru en 1987 sous le titre L’Album de famille), Jean Roba se confiait aux lecteurs. Guy Vidal fut son confident, témoin privilégié “d’un petit morceau de bonheur” comme lui-même aimait le répéter en évoquant l’univers du créateur de Boule & Bill. En voici quelques extraits.



 



“La main n’est qu’un outil. Elle est utile, mais c’est l’esprit qui compte. Le dessinateur dirige sa main parce qu’il a conscience de son dessin fini. Il sait où il va. Enfin, il devrait savoir où il va… Moi, j’ai tendance à couper les cheveux en quatre. Au grand désespoir de mon éditeur, je fignole des détails minuscules que personne ne verra à l’impression. Je suis un poildecuteur.”



 



“Mon enfance, c’est la mer du Nord. J’aime bien l’eau. J’aime beaucoup la Provence, mais j’aime moins la Méditerranée. Elle est trop bleue, trop carte postale. Il n’y a pas de marées. J’aime les ciels gris, l’Écosse…”



 



“Je suis aussi un rêveur. Au lit, je rêve tout le temps. Le matin, je pourrais dessiner ; je rêve en couleurs. Il m’est arrivé de continuer un rêve interrompu. De m’obliger à le continuer… Pas de cauchemars ! C’est un peu la même chose avec Boule & Bill. Je sais bien que leur monde n’est pas vrai. Il n’y a pas de maladies, il n’y a pas de drames dans la maison à part une rougeole de temps en temps… Mais je sais aussi qu’il y a des instants comme ceux que je dessine dans la vie. Entre ces instants, il peut se passer trente-six millions d’autres choses, que je ne dessine pas. Boule & Bill, c’est comme un album de photos de famille : on n’y range que le bonheur.”



 



“J’aime tous les animaux, et les oiseaux en particulier. Ils représentent la liberté. Mon rêve : être oiseau, savoir voler, jouer de la musique et un peu dessiner, quand même !…



Dans ce chapitre, il y a quelques avions. Il n’y a rien de plus beau qu’un avion… Et puis, est-ce que vous vous souvenez de l’acteur américain Dany Kaye dans le film La Vie secrète de Walter Mitty ? C’était l’histoire d’un homme qui vivait une vie ordinaire mais qui rêvait de choses extraordinaires. Je suis comme lui. On me parle affaires et pendant ce temps, je pilote un avion de chasse durant la bataille d’Angleterre…”



 



“Ce qui me fait rire, c’est le truc qui rate, le machin qui coince, la vanité des choses : les crottes de pigeon sur la statue de Nelson, le banquier qui se ramasse la figure sur une peau de banane – évidemment, ça n’arrive pas très souvent. C’est Bill se prenant pour Napoléon… Quand j’étais jeune, l’opéra était un sommet du gag. Dans Samson et Dalila, le temple s’écroulait avec une tonne de poussière et tout le monde toussait pendant un quart d’heure. Mais eux aussi, ils ont fait des progrès. C’est moins drôle maintenant.”



 



“J’ai une mémoire photographique. C’est une chimie bizarre. Je vois mon gag fini.”



 



“Je suis coléreux mais je ne suis pas rancunier. Je ne le suis qu’avec les gens que je n’aime pas. Il y en a, en définitive, très peu.”



 



“Mon premier album est paru en 1959-1960… Je publiais un gag par semaine dans Spirou et mon éditeur m’a dit : ‘C’est très dur. Au centième, vous arrêterez.’ J’ai dépassé depuis longtemps le millième. Mais à l’époque, on s’entraidait. Avec Franquin, Morris, Peyo, Tillieux, on se livrait à des ‘séances de sueur’ : on passait la nuit chez celui qui était en panne de gag, à chercher des idées. On rigolait bien, on avait 15 ans d’âge mental. Un journaliste a baptisé ça l’École de Charleroi. Nous, on n’aurait pas osé…”



 



“Je suis né en 1930 et j’ai vécu ma petite enfance dans une commune quasi rurale de la banlieue de Bruxelles. Il y avait des champs, des maraîchers, des gens qui allaient travailler en sabots. Il m’est arrivé de retourner dans les coins de mon enfance. Les palissades et les glissades ont disparu. On devrait élever un monument à l’inventeur des palissades : c’est très agréable à dessiner. Je ne fais plus ce genre de voyage. On ne retrouve rien. Ni la petite école, ni le coin de rue qu’on aimait bien, ni le magasin de bonbons. On ne les retrouve plus que dans les films de Tati… Cela dit, le passé, c’est joli, mais je n’ai qu’à penser une minute au dentiste et je préfère maintenant. On a inventé l’anesthésie, on a fait beaucoup de progrès.”



 



“Parfois, tu rates ton dessin ! Tu jures. C’est pas ça ! Pas cette expression ! Ma tête ne transmet pas à ma main ce que je veux. Alors je me lève, je marche de long en large. Ceux qui me connaissent savent que je cherche quelque chose…”



 



“Un (beau) jour, Franquin m’a téléphoné. Il cherchait un assistant. ç’a été le grand choc ! Sapristi, Franquin !…



C’est un peu comme si on demandait à un petit chanteur s’il veut passer sur scène avec Yves Montand ou Sinatra…”



Je revois Franquin penché sur mes dessins. ‘C’est très bien, Roba, mais si vous permettez…’ et il prenait sa gomme et il effaçait tout. On apprend comme ça.”



 



“L’observation de mes chiens n’a jamais été autant qu’on a pu le croire la matière première de mes gags. Les chiens font des quantités de sottises, c’est vrai. Ils partent avec le gigot, mais ce n’est pas suffisant pour alimenter une page…”



 



“J’aime rire et on me dit que mes rires s’entendent de très loin. Je ne déteste pas faire le pitre avec les copains…”



 



“Est-ce que je passe en dessous des échelles ? Oui. En me disant : ‘Tant pis, je vais risquer.’ Si je me dis ça, c’est que j’y crois quand même un peu…”



 


“Les chats noirs, les porte-bonheur me laissent indifférent… Ce n’est même pas vrai ! J’adore les chats, tous les chats, même noirs !”

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